Bruxelles doit loger des gens et non des rossignols ou des hérissons, mais la disparition des friche
Samedi 25 avril 2020
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En cette période de confinement, nous vous présentons certains textes se rattachant à des problématiques, pour nous importantes, qui ne nous paraissent pas dénués d'intérêt. Bien sûr, ces textes n'engagent que leurs auteurs. Voici un texte d'Eric de Plaen qui est guide-nature et qui a été publié sur le site de La Libre Belgique.
https://www.lalibre.be/debats/opinions/la-disparition-programmee-des-friches-bruxelloises-est-un-immense-gachis-5e5d39b8d8ad58685c592758
Opinion
Contribution externe. Éric de Plaen, juriste et guide-nature.
Publié le mardi 03 mars 2020
Bruxelles doit loger des gens et non des rossignols ou des hérissons… Certes. Mais qu’en est-il de ces millions de mètres carrés vides et de la bretonnisation programmée des seules friches qu’il nous reste ? Une opinion de Éric de Plaen, juriste et guide-nature.
Décembre 1984, il fait froid mais sec sur la bruyère de Kalmthout (au nord d’Anvers). J’observe le tétras-lyre ou petit coq de bruyère. Les mâles sont en plumage noir-bleu, du blanc sur les ailes et sur la queue, une crête rouge sur la tête. Les femelles sont en livrée brun, noir et roux. Aujourd’hui, il n’y a plus de tétras-lyre à Kalmthout. Trop de fréquentation !
Plus près de nous, au début des années 2000, le rossignol chante sur le plateau du Val d’or, à Woluwe-Saint-Lambert. Actuellement, le plateau est quasi totalement bâti. Le rossignol se tait. Peut-être est-il vexé…
Encore plus près, en 2010, un couple de hérissons fréquente le parc du Sacré-Cœur, à un jet de pierre de Montgomery (centre-est de Bruxelles). Ils n’y sont plus. Ils n’ont pas aimé les roues des voitures…
D’énormes surfaces vides
La perte d’habitats naturels est la cause principale de la chute de la biodiversité. En ville comme à la campagne, la minéralisation gagne du terrain. Et les premières cibles sont souvent les milieux ouverts.
En 15 ans, Bruxelles aurait perdu près de 14 % de ses espaces verts (1). Certaines zones emblématiques ont, en tout cas, disparu. Le plateau du Keelbeek (18 hectares de nature, quand même) a été englouti par les travaux de la mégaprison de Haren. Sans doute les prisonniers faisaient-ils ploucs à Saint-Gilles et Forest, et il vaut mieux faire des anciennes prisons une belle opération immobilière plutôt que les rénover…
Oui, mais la ville doit loger des gens et non des rossignols ou des hérissons… Certes. Toutefois, la région bruxelloise compterait près de 6,8 millions de mètres carrés vacants (on parle de la 20e commune de Bruxelles, surnommée Saint-Vide ou Leegbeek (2). On peut discuter des chiffres précis, mais ça laisse une belle marge pour loger des habitants, à condition de… rénover.
De plus, la croissance démographique marque le pas : à Bruxelles, le Plan régional de développement durable se base sur une croissance démographique de 10 000 habitants par an, tandis qu’elle est maintenant réduite à 3 915 habitants par an jusqu’en 2050. Les plans d’aménagement directeurs ont été adaptés ? Non…
Bruxelles n’est plus si verte
Oui, mais le béton, en ville, c’est normal. La nature, c’est à la campagne… Certes, à condition d’oublier la qualité de l’air (les plantes captent du CO2), l’infiltration des eaux de pluie (vous aimez les inondations ?), le délassement (on se détend dans une zone verte ou le long des routes ?), le réchauffement climatique (les îlots de chaleur sont minéraux, pas végétaux). Sinon, ça va…
Le gouvernement bruxellois ne dit d’ailleurs pas autre chose : "Afin de restaurer la biodiversité, garantir des îlots de fraîcheur lors des épisodes de canicule et prévenir les inondations, le gouvernement développera également un programme de verdurisation." (3)
Oui, mais Bruxelles est une ville verte, non ? Ben, de moins en moins et pas partout. La nature est surtout présente en pourtour de ville, notamment au nord-ouest et au sud-est (grâce à la forêt de Soignes) et dans les jardins privés. Au centre et dans les communes de la première ceinture, c’est beaucoup moins évident. Schaerbeek, par exemple, pour 125 000 habitants (c’est plus que la ville de Namur), compte essentiellement le parc Josaphat, soit 20 hectares. Ça fait peu de mètre carré par habitant.
Il faut sauver la friche Josaphat
Le parc Josaphat, justement. Parlons-en. Il est né il y a plus de 100 ans, d’une initiative privée (je vous laisse chercher qui), contre l’air du temps de l’époque, qui préconisait de couper les arbres et de construire à la place. Aujourd’hui, on se félicite de la beauté (et de l’ombre en cas de canicule) des arbres centenaires.
Non loin de là, la friche du même nom, à Schaerbeek et Evere, est une ancienne gare de triage abandonnée, devenue une belle prairie sauvage. Elle est proche du parc Josaphat, mais celui-ci est un espace vallonné, arboré et aménagé, tandis que la friche Josaphat est une cuvette humide, relativement plane et laissée à elle-même depuis des années. Une biodiversité rare s’y est développée. La Région
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