Walckiers

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Historique du « Walckiers »

Avant-propos

Jusqu'en 2004, il existait une "histoire du Walckiers" que l'on trouve dans la majorité des ouvrages et publications. Toutefois, cette année-là, le bureau AGORA a été chargé par l'IBGE de réaliser une étude sur le Walckiers.

Faisant appel à un historien professionnel, Y. LEBLICQ, professeur à l'ULB, celui-ci a considérablement fait avancer nos connaissances sur le Walckiers, gommant de la sorte bien des idées reçues. Il est apparu que les nombreux auteurs s'étaient recopiés mutuellement, s'étaient contentés d'à-peu-près ou avaient développé des idées non-étayées par des preuves matérielles irréfutables.

Travaillant sur base de documents officiels -notamment des actes notariés- non-exploités par ses prédécesseurs et se montrant critique quant à l'historiographie relative au Walckiers, Y. LEBLICQ a pu ainsi démontrer de manière catégorique que le château d'origine avait été détruit entre 1824 et 1826 et reconstruit peu après 1861; que le parc d'origine, devenu en grande partie prairie à bétail en 1824, a également été complètement remodelé à la reconstruction du château.

On trouve également dans la littérature que le domaine à l'époque des Walckiers était le premier jardin à l'anglaise du continent. Cette affirmation est cependant fortement sujette à caution (voir plus loin) et de plus, il n'en reste plus aucune trace aujourd'hui, les derniers vestiges concernant les aménagements de Vandersmissen en 1860.
 

L'histoire du "Walckiers", revue et corrigée

 

Maison de campagne de la famille de Saedeleer

 

Vers la fin du 17ème siècle, la famille de Saedeleer  fit construire une maison de campagne dont les jardins très vastes s'étendaient jusqu'à l'actuel canal. Cette propriété fut rachetée en 1753 par Jean -Baptiste Rol, riche bourgeois de Louvain, qui commença à transformer l'habitation en château.
 

Le château Walckiers. Grandeur...

En 1765, Adrien-Ange de Walckiers devint propriétaire des lieux et acheva l'édification du dit château.

La carte du Duché de Brabant, par Dupuis vers 1780. Le château est seulement cité.

 

Adrien-Ange de Walckiers, conseiller d'Etat et Grand Bailli de la ville de Termonde, de par son mariage avec Dieudonnée de Nettine, héritière de la célèbre banque du même nom qui avait le quasi-monopole des opérations financières du gouvernement des Pays-Bas autrichiens, jouait un rôle de premier plan dans la gestion de cet important organisme financier. Il fut créé vicomte en 1786.

 

La carte Ferraris (circa 1776-1777).
Le château et son parc sont à gauche de la mention "de Mr de Walckiers".

Sur la  carte Ferraris de l'endroit (1776-1777), on distingue un jardin avec trois bassins rectangulaires et des allées très rectilignes.

Dans son ouvrage "Coup d'oeil sur Beloeil" et publié en 1781, le prince de Ligne décrit un jardin nettement différent, de style "naturel", avec grotte, ruine, petit lac, ponts, rocher, fontaine... et une chute d'eau de plus de 50 pieds. Il attribue ce jardin à Mr de Walckiers, sans préciser aucune localisation. Dans la seconde édition de 1786, le prince de Ligne retranche des élements et ajoute entre autres, une île.

S'agit-il de la propriété d'Helmet ? Peut-être, mais il n'en existe aucun plan détaillé et aucune preuve irréfutable. De plus, un élément plaide nettement en défaveur de cette supposition : il n'existe aucune dénivellation de 50 pieds à cet endroit ! Et il n'y a pas d'île dans les cartes publiées après 1800.
 

 

Le fils d'Adrien-Ange de Walckiers, Edouard, qui secondait son père dans la direction de la banque Nettine, prit  une part active, en ouvrant notamment généreusement sa cassette, à la Révolution brabançonne en tant que Vonckiste.

Après l'échec de la Révolution brabançonne et la restauration du pouvoir autrichien, ce fervent partisan de la Révolution française dut fuir à Hambourg en 1793, où il se rangea de la politique pour plonger sans trop de succès dans le monde des affaires.

Edouard de Walckiers
1758-1837

 

 

Le cippe à la gloire d'Adrien-Ange de Walckiers.

De cette belle époque, il ne subsite
qu'un seul élément irréfutable :
un cippe à la gloire
d'Adrien-Ange de Walckiers (décédé en 1799),
avec le texte suivant :

"Insensibles témoins de ma douleur cruelle.
Restes sacrés d'un père, objet de mes regrets;
Tombeau qui renferme sa dépouille mortelle.
Mon coeur gît avec vous sous ces tristes cyprès.

Ces ombrages, ces fleurs, ces eaux, cette verdure.
Dont lui-même prit soin d'embellir ce séjour.
Paroissent regretter l'ami de la nature.
Et plaindre le moment qui le priva du jour."


Ce cippe est aujourd'hui fort dégradé et taggé.

 

 

 

Et déchéance !

 

 

Ruiné, Edouard de Walckiers renonça à son héritage en 1802 et les années qui suivirent, le château passa de propriétaires en propriétaires. Il servit de décor à maints évènements fastueux mais la propriété, perdit beaucoup de son lustre.

1803 : vue de la fontaine devant le temple ruiné.

 

 

Sur cette carte de 1805, on lit "act. le Banquier Plovitz".
Les allées bien rectilignes visible sur la carte Ferraris ont disparu.
Il n'y a plus qu'un seul bassin et des sentiers sinueux ont été tracés.

 

 

 

 

Sur la carte de Wautier (1810), le domaine a une toute autre allure :
le bassin s'est allongé d'un bras et les sentiers sont à nouveau modifiés.

 


En 1824, la propriété fut morcelée en plusieurs lots. L'acte notarié parle de vestiges d'un jardin anglais et cite un temple, des ruines, une grotte artificielle et une cascade, sans plus. C'est la première mention officielle de ces fabriques. On est loin de la richesse de la description du prince de Ligne et le parc a visiblement, à cette date, déjà beaucoup perdu de son lustre supposé. De plus, le parc qui subsistait à l'époque fut en partie transformé en prairie pour le bétail.

Entre 1824 et 1826, le château est complètement détruit par Mr de Meeûs, le nouveau propriétaire.
 

Sur cette carte de 1858, on distingue 2 pièces d'eau :
la rectangulaire correspondant à celle visible sur les cartes précédentes,
et une nouvelle sur la droite (cette seconde pièce d'eau apparut
sur le plan parcellaire de Scharbeek en 1836). Les sentiers sont tous disparus.

 

Le château Vandersmissen

 

 

Un nouveau château, correspondant au château actuel a été érigé dans les années "1860" par Edouard Vandersmissen, riche fabricant d'Alost qui avait acquis l'ensemble du domaine en 1861. Le parc fut à l'occasion également profondément remodelé et réaménagé. Mr Vandersmissen intégra, peut-être, les vestiges des fabriques dans son nouveau plan. Pourquoi peut-être ? Car rien ne prouve en effet que les grottes et ruines, visibles sur les photos après 1900 soient celles citées en 1824.

Sur la carte de 1858, il ne subsiste que prairies et sous-bois. Vandersmissen a peut-être tout construit de A à Z après 1861.

L'étude phytosanitaire des arbres du Walckiers, réalisée dans le cadre de cette même étude AGORA par la société ALIWEN, confirme, pour sa part, que les arbres les plus anciens du site -à une ou deux exceptions près antérieurs au maximum d'une quarantaine d'années- remontaient aux années 1860.

 

Cette carte de 1880 (?) montre les aménagements de Vandersmissen : une pièce d'eau avec 2 îles et des sentiers.

 

 

La carte de 1880 (?) montre les aménagements de Vandersmissen : une pièce d'eau avec 2 îles et des sentiers. C'est cette configuration qui perdurera jusqu'en 1930.

 

 

 

Le pensionnat de la Sainte-Famille

 

 

En 1891, les Soeurs de la Sainte-Famille achetèrent le domaine pour y installer un internat pour jeunes filles. Des bâtiments annexes furent construits, en particulier une imposante chapelle. Le quartier s'urbanisa rapidement au début du xx°siècle et l'école s'ouvrit progressivement aux enfants des nouveaux habitants.

Ces bâtiments existent toujours aujourd'hui.


  Galerie photos

 


 

 

Une des deux fausses grottes en 2007.
La niche supérieure a été ajoutée entre 1900 et 1930, analyse des ciments faisant foi.

 

 

Quelques cartes de l'époque...

 

 

Carte (non datée, sans doute autour de 1900)

Carte du Touring-Club de 1919

Carte de 1920

Carte du Touring-Club de 1928

 

 

En 1930, la pièce d'eau est réduite. Aujourd'hui, il en existe un vestige que l'on distingue ci-dessous sur la carte de 1930, en faisant bien attention : une petite tache bleue à l'emplacement de la pointe sud de l'étang initial ! Cette pièce d'eau actuelle est en fait alimentée par une source.

 

 

 

 

Carte de 1930

Carte de l'Institut Géographique Militaire de 1939

 

 

 

 

De la gare à la zone verte à haute valeur biologique

 

 

Vers 1928, la gare de formation de Bruxelles s'installa dans la « plaine de Monplaisir », c'est-à-dire dans la plaine alluviale de la Senne. Un quart du domaine disparut à cette occasion, ainsi qu'une bonne moitié de l'imposante pièce d'eau qu'il abritait.

Dans les années 1950, la plus grande partie du site (ce que nous appelons maintenant le Walckiers) fut expropriée et remblayée dans le but d'y construire une pénétrante voie autoroutière venant d'Anvers. Le reste de l'étang fut comblé, mais le projet capota heureusement.

Années 60 : le projet d'autoroute Zoom sur le Walckiers

 

 

 

Sur la carte de 1957, on constate le remblai et la disparition des chemins et de la pièce d'eau.

 

 

1958 : le remblai, une étendue de flaques alimentées par la source de l'ancienne petite pièce d'eau et la grotte à l'arrière-plan.

 

 

 

 

Sur la carte IGN de 1959, une zone humide est maintenant mentionnée.

 

 

 

 

Peu après, le site se vit clôturé et tenu en suspens; il sera occupé par des entreprises de travaux publics, comme le montrent des photos aériennes de 1969 (des photos existent notamment d'une centrale à béton).

On y envisagera même un moment (des marques sur le tronc de certains arbres l'atteste) l'installation d'un Institut de Criminologie.

La photo aérienne de 1978 montre, elle, la disparition de toute activité industrielle et la recolonisation progressive de l'espace par la végétation.

 

 

 

 

Carte IGN de 1975 : la nature reprend ses droits.

 

 

 

 

La fin des années 1980 coïncida à la découverte des lieux par ce qui deviendra la CEBE.

En 1992, L'Institut de la Sainte-Famille et la CEBE mobiliseront avec succès les riverains (6 000 pétitionnaires) pour combattre un projet d'implantation de 15 000 m2 de bureaux sur le site, suite à quoi le Collège communal schaerbeekois adopta un PPA (Plan Particulier d'Aménagement) confirmant l'affectation "verte" de l'ensemble du Walckiers.

En 1995, à la demande de la CEBE, la quasi totalité du site bénéficia de la procédure de "classement".

Au tournant du second millénaire, toujours sous l'impulsion de la CEBE, la Région dota l'ensemble du Walckiers du statut légal de "zone verte à haute valeur biologique".

Fin 2003, enfin, le Walckiers passa de propriété de l'Etat fédéral à celui de propriété de la Région bruxelloise.

 

 

 

Parc Walckiers, Walckiers, ou... ?

Ce sont les membres de la CEBE qui, voulant identifier la partie schaerbeekoise du Moeraske, ont recouru les premiers à la dénomination "Parc Walckiers". Celui-ci est en effet la composante du Moeraske sise sur Schaerbeek et montrant des biotopes particuliers.

Cette appellation "Parc Walckiers" fera florès et sera reprise par tout le monde dont les pouvoirs publics. "Parc Walckiers" est donc une jolie "nouvelle" appellation désignant l'espace naturel du Moeraske s'étendant sur Schaerbeek. Mais nous savions que cette désignation n'était pas historique. Nous n'avions pas trouvé explicitement la référence "Parc Walckiers" dans les écrits anciens. Mais cela sonnait bien et cela constituait une sorte de passerelle entre une famille localement connue et un lieu qu'elle avait occupé à un moment. Finalement, il n'y a pas qu'en viticulture qu'il y a des châteaux aux noms ronflants qui n'ont que l'apparence du vrai !

La réalité historique établie tout récemment imposerait sans doute qu'on appelle les lieux du nom de la personne qui les a réellement aménagés avant que l'ensemble du site ne redevienne complètement sauvage... A savoir : Edouard Vandersmissen !

Enfin, le "parc" Walckiers n'a jamais été un parc public urbain, comme le parc Josaphat, par exemple. Dans le passé, il a été un parc strictement privé dont l'aménagement n'a jamais concerné la totalité de la propriété Walckiers qui, au 18ème siècle, s'étendait jusqu'à la Senne. Ensuite devenu sauvage, il est depuis la fin des années 1960 un site semi-naturel à haute valeur biologique.

Aussi, à la CEBE, nous désignons actuellement les lieux par le seul vocable "Walckiers" afin d'éviter la confusion suscitée par l'appellation "parc". Mais constatons-le : nous n'avons pas encore totalement intégré les dernières découvertes historiques.

 

Le Walckiers, premier parc à l'anglaise du continent ?

Quelques définitions

  • Le parc à la française est très structuré. Recherchant la symétrie, il s'impose à l'environnement où il est aménagé et transforme radicalement celui-ci.
  • Le parc à l'anglaise, lui, épouse le relief où on l'installe. D'allure sauvage, il accepte une certaine spontanéité, même si il peut-être très entretenu.

 

Il y a peu, certains, se basant sur l'ouvrage du Prince de Ligne "Coup d'oeil sur Beloeil", paru en 1781, ont voulu voir dans le parc Walckiers aménagé par Adrien-Ange Walckiers, le premier parc à l'anglaise du continent. La réalité "historique" apparaît pourtant toute autre. Ainsi :

  • rien dans l'écrit du Prince de Ligne ne permet de situer précisément géographiquement le parc qu'il décrit;
  • il n'y a pas non plus dans la description du parc faite par le Prince de Ligne des éléments dont on a retrouvé la trace indiscutable dans le Walckiers;

 

Cela étant, il n'y a pas de preuve historique mais simplement une supposition à laquelle chacun est libre ou non d'adhérer avec plus ou moins de réserve !

De plus, et quoi qu'il en soit, rappelons aussi simplement que le parc ayant été à ce point réaménagé par Edouard Vandersmissen à partir de 1861...qu'il est illusoire d' espérer encore y retrouver le tracé et la configuration d'un parc antérieur.

De surcroît, le tracé du parc de Vandersmissen, voire même celui du pensionnat de la Sainte-Famille a quasiment complètement disparu.

Les quelques photos ci-dessous sont éloquentes :


Le petit pont en pierre, sur la droite

Le même endroit, mais pris dans l'autre sens.

Le petit pont est toujours là aujourd'hui. Il est à presque 2 mètres de profondeur DANS la pièce d'eau actuelle, qui elle, a pris la place du chemin !

 

La grotte en 1900.

La grotte aujoud'hui.

On montait à la grotte... Aujourd'hui, on y descend avec des bottes ! Une partie du parc a été recouverte par plusieurs mètres de terre vers 1960.

 

La grotte à l'obélisque en 1900.

L'obélisque aujourd'hui.

La photo est prise sous le même angle... ou presque. Aujourd'hui, on est nettement plus haut et le chemin qui venait de l'obélisque est enterré. Le chemin actuel tourne aujourd'hui à 90 °. On est pourtant hors de la zone de remblayage du projet de l'autoroute.
 

Ces quelques exemples illustrent bien les profondes modifications subies par le site en 2 siècles !