Lutte biologique contre les pucerons


Extrait du bulletin d'information "LA PIE BAVARDE" N° 30 de l'asbl ASEPRE – Association pour la Sauvegarde de l'Environnement et la Promotion du Réseau Ecologique.

 

Résister aux pucerons

Le temps est superbe, c'est une invitation à un petit tour au jardin.

Tout en flânant, nous remarquons une multitude de petits points sur les feuilles des rosiers et aussi sur le pommier, …et sur les salades, les choux, les haricots ! Leur couleur varie selon la plante : jaune, vert, rose, gris-brun, noir.

En y regardant de plus près, nous découvrons que ces points sont allongés et ont six pattes, une tête portant deux longues antennes et un abdomen se terminant en pointe et, chez la plupart, muni de deux petits tubes. Ce sont des pucerons, les ennemis n°2 du jardinier, les limaces ayant l'honneur de figurer en première place !

 

Bestioles omniprésentes

Les pucerons sont des insectes de la famille des Aphididae, appartenant à l'ordre des homoptères, donc suceurs de sève.

En Europe, il en existe près d'un millier d'espèces, de toutes sortes de couleurs. Leur cycle de vie est particulier. La plupart hivernent sous forme d'œufs, déposés dans les écailles des bourgeons, dans les fentes de l'écorce des arbres ou sur des plantes pluriannuelles.

Au printemps, il en sort des femelles qui, rapidement, donnent naissance à de jeunes pucerons femelles. Les larves deviennent adultes en 8 jours environ (à 20°) et la reproduction parthénogénétique se poursuit. On peut compter une quinzaine de générations jusqu'à l'automne. A ce moment, naissent des individus mâles et femelles qui s'accouplent pour donner les œufs qui hiverneront.


Tuberolachnus salignus
(Photo Bart Hansens)
Copyright © 2007 - CEBE-MOB

 

 

Si les conditions environnementales leur sont défavorables (trop peu de lumière, plante hôte en mauvaise santé, population de pucerons trop dense …), on voit apparaître des formes ailées qui vont fonder d'autres colonies; les plantes vertes sont préférées, telles que les annuelles sauvages ou cultivées comme celles du potager.

 

L'appétit est bon

A peu près toutes les plantes peuvent être attaquées. On trouve souvent ces ravageurs en colonies, sur les feuilles, les bourgeons, les branches ou même les racines, selon les espèces de plantes.

La plupart des pucerons sont inféodés à une ou quelques plantes de la même famille. Ils occasionnent quelques dégâts en suçant la sève, ce qui provoque des déformations (enroulement des feuilles, torsion des jeunes pousses).

Ils peuvent ainsi affaiblir un peu la plante mais, plus grave, ils transmettent parfois des maladies à virus.

Myzus cerasi
(Photo Alain Doornaert)
Copyright © 2007 - CEBE-MOB

 

 

Pour extraire de la sève une quantité suffisante de protéines ou d'acides aminés (substances azotées), le puceron doit en sucer une quantité énorme, qu'il rejette ensuite par l'anus. C'est le miellat, liquide sucré collant qui recouvre les végétaux atteints.

 

Bataille pour le miellat

Le miellat est très apprécié par les ennemis naturels des pucerons, ainsi que par certaines abeilles et … par les fourmis. Ces dernières ne tuent donc pas les pucerons; au contraire, elles les protègent, au point de combattre tout ennemi qui oserait les approcher, comme par exemple une coccinelle. Le miellat est souvent contaminé par un champignon, ce qui se traduit par un enduit noir sur les feuilles et les fruits: la fumagine.

 

Un jardin en bonne santé

Heureusement, les pucerons ne sont pas les seuls visiteurs du jardins. Leurs ennemis naturels y sont normalement nombreux : oiseaux insectivores, coccinelles, carabes, cantharides, forficules, chrysopes, syrphes, certaines punaises (famille des Reduviidae), ichneumons, araignées,…

La présence de cet ensemble de ravageurs et d'auxiliaires (prédateurs des ravageurs) témoigne de la bonne santé du jardin. Un jardin sans pucerons (où on a pulvérisé force insecticides) est un jardin stérile. Il n'accueillera ni coccinelles, ni insectes pollinisateurs. L'essentiel est de maintenir l'équilibre de l'écosystème et donc de rectifier éventuellement l'un ou l'autre facteurs au cours des saisons.

 

Contrôle des pucerons

PREVENTION, la meilleure méthode. L'objectif est la bonne santé du jardin; pour ce faire, il y a 4 points à retenir:

  1. La diversité des cultures, qui favorise l'équilibre "ravageurs – auxiliaires". - On veillera à varier les plantes cultivées, tant les potagères que les ornementales. - On veillera également à associer certaines espèces.
  2. La bonne qualité du sol - On ne bêchera pas la terre, procédé qui bouleverse l'équilibre de la microfaune et enfouit l'humus. - On veillera à protéger la terre en hiver. - On évitera une fertilisation excessive par l'apport d'engrais chimique (principalement azoté) ou de fumier frais directement épandu sur la terre. On préfèrera le compost ou le purin d'orties dilué. Ce point est très important. On l'a vu plus haut, les pucerons doivent extraire de la sève des substances azotées, d'où une plante saturée en azote attirera plus facilement les pucerons.
  3. L'accueil des auxiliaires Il est essentiel d'aménager des abris et sources de nourriture pour les insectes, oiseaux et autres amis du jardinier: - une haie d'arbres et arbustes attirant les oiseaux, - des nichoirs à insectes, - quelques tas de bois pour les reptiles, - un abri pour le hérisson, - un parterre d'herbes folles et de fleurs nectarifères, - une mare.
  4. La vigilance pour éliminer les premiers pucerons - Dès le début du printemps, il est primordial d'inspecter les plantes pour débusquer les premières femelles souvent bien camouflées à la face inférieure des feuilles. Il suffit de les écraser entre les feuilles. Les colonies du puceron lanigère du pommier (Eriosoma lanigerum) installées dans les interstices des écorces, peuvent être éliminées en frottant à la brosse métallique.
  5. Planter des fleurs odorantes répulsives:
    • de l'aneth près des fèves et des tomates,
    • des menthes et de la tanaisie qui écartent aussi les fourmis
    • de la lavande et de l'ail près des rosiers.

Lutte directe

Disons d'emblée qu'il ne faut pas exterminer jusqu'au dernier puceron car beaucoup d'auxiliaires vivent grâce à eux. Il faut toutefois réagir aux infestations. Les techniques sont simples:

  • écraser les pucerons à la main
  • les éliminer par un jet d'eau puissant (opération à répéter)
  • couper les jeunes pousses infestées
  • tôt le matin ou tard le soir, pulvériser une solution de savon noir (30 g dans 1 litre d'eau) ou du purin végétal ou une décoction végétale (*)
  • au début du printemps, décourager les invasions de fourmis sur les arbres en entourant le tronc d'un collier de glu, vaseline ou autre substance collante; ne pas oublier d'enlever cet anneau en été, afin d'épargner les auxiliaires qui risquent de s'y engluer.

Si toutes ces mesures ne viennent pas à bout des envahisseurs, il reste le recours aux produits à base de pyrèthre ou de roténone (insecticides naturels). Mais vraiment, il faut limiter cette opération à des cas tout à fait spéciaux car, bien que naturels, ces produits sont des insecticides; ils ne font pas la différence entre les "bons" et les "mauvais"! Et d'ailleurs .. mauvais pour qui? (*)

 

Décoctions végétales anti – pucerons

  1. de feuilles de noyer : 200 g de feuilles dans 1 litre d'eau, laisser macérer 24h puis bouillir 15', filtrer
  2. de tanaisie : 40 g de tiges, feuilles et fleurs dans 1 litre d'eau, même recette;

Purins végétaux anti – pucerons

  1. d'absinthe : 250 g de tiges, feuilles et fleurs dans 1 litre d'eau, laisser macérer 10 jours, filtrer;
  2. de lavande : 100 g de feuilles et fleurs dans 1 litre d'eau, laisser macérer 10 jours, filtrer, diluer au 1/5 avant usage;
  3. de feuillles de noyer : 200 g dans 1 litre d'eau, laisser macérer 4 jours, filtrer;
  4. d'orties : 100 g dans 1 l. d'eau, laisser macérer 10 jours, filtrer, diluer au 1/5 avant usage;
  5. de sureau : 100 g de feuilles, fleurs, fruits dans 1 litre d'eau, laisser macérer 3 jours, filtrer.

 

Sources

  • Berling Rainer, 1986, "Les amis et les ennemis du jardin" Ed. Bornemann, Paris
  • Chinery Michael, 1993, "Insectes de France et d'Europe occidentale" Ed. Arthaud
  • Franck Gertrud, 1982, "Cultures associées au jardin" Ed.La maison rustique
  • Renaud Victor, 2004, "Parasites: les traitements bio" Ed. Rustica
  • Schmid Otto & Henggeler Silvia, 2002, "Ravageurs et maladies au jardin, les solutions biologiques" Ed. terre vivante

Pour tout renseignement sur les pesticides :
Pesticides Action Network Belgium
Secrétariat : rue du Prévôt 131, B-1050 Bruxelles
Tél/fax: 02 344 10 66
bdecupere@hotmail.com



 

Les coccinelles à la rescousse!

Si tu dis "puceron" … je réponds "coccinelle". La coccinelle est devenue le symbole de la lutte biologique. La plupart de nos espèces indigènes sont en effet grandes prédatrices de pucerons; les larves sont particulièrement voraces. D'où l'intérêt d'attirer ces insectes au jardin et de ne pas utiliser de pesticides chimiques.

Comme l'homme se veut toujours plus performant, il lui est venu l'idée de multiplier ces précieux auxiliaires par élevage, afin de pouvoir en inonder des cultures infestées de pucerons. La méthode est intéressante pour les cultures en espaces confinés (par ex .les tomates en serre). La pollinisation des fleurs exigeant la collaboration d'insectes (bourdons), il est exclu d'utiliser des insecticides pour combattre les pucerons dans ces espaces.

Des firmes ont ainsi élevé des coccinelles pour les commercialiser. Tant qu'il s'agit d'espèces indigènes, pas de problèmes.

Mais, il y a une dizaine d'années, une espèce exotique, Harmonia axyridis, a été commercialisée, d'abord en France puis en Belgique (voir Pie bavarde juin 2005).

Elle est plus facile à élever car elle n'exige pas de pucerons pour se développer; une diète protéinée suffit.


Harmonia axyridis
(Photo Bart Hansens)
Copyright © 2007 - CEBE-MOB

Malheureusement, Harmonia axyridis possède des atouts que n'ont pas nos espèces indigènes. En cas de pénurie de proies (pucerons dans ce cas-ci), il y a lutte entres les espèces prédatrices: Harmonia et une coccinelle indigène (par ex Adalia bipunctata). Harmonia sort gagnante de la lutte car elle dévore les larves de la Coccinelle à 2 points, tandis que ses propres larves sont protégées par un recouvrement épineux et ne peuvent donc pas être mangées ! Et la catastrophe annoncée se vérifie, l'envahisseuse progresse.

En cet été 2007, Harmonia est bien présente tandis que la Coccinelle à 2 points devient rare.

Source: Branquart Etienne, 2006, "Risques liés à l'introduction d'ennemis naturels exotiques pour la lutte biologique". Exposé, Centre Paul Duvigneaud, avril.